Rencontre avec Hélène Löning, auteure de l’ouvrage » Le Contrôle de gestion : des outils aux pratiques organisationnelles » paru chez Dunod, 4ème édition, 2013.
Pourquoi un ouvrage sur le contrôle de gestion ?
Le contrôle de gestion est une fonction au cœur des enjeux de performance et du pilotage des organisations, en particulier en période d’incertitudes économiques majeures comme celle que nous connaissons actuellement.
Par ailleurs, les pratiques de contrôle de gestion dans les entreprises sont essentielles pour orienter les comportements, motiver les individus et améliorer la cohérence dans l’action, renforçant ainsi également la cohésion dans l’entreprise.
Quels sont les nouveaux enjeux du contrôle de gestion aujourd’hui ?
Les nouveaux enjeux du contrôle de gestion sont largement liés aux enjeux des entreprises et organisations en 2013.
J’en citerai cinq principaux qui sont traités dans l’ouvrage, mais la liste n’est pas limitative :
– L’incertitude très forte de l’environnement, sur des marchés globalisés, avec des industries en pleines mutations technologiques, où les risques systémiques restent élevés, tant dans leur impact que dans leur occurrence, et où il est difficile (mais d’autant plus nécessaire !) de prévoir, et de fixer des objectifs ;
– Le rôle et les conséquences de systèmes d’information qui sont entrés « dans un nouvel âge » au cours des dix dernières années. Cela a des conséquences majeures pour le contrôle de gestion qui doit pour être crédible fiabiliser les chiffres dans un univers informationnel démultiplié, on pourrait parler de « magma » d’informations;
– Les mutations profondes dans l’organisation des entreprises, en particulier les grandes, qui doivent encore apprendre à concilier innovation (flexibilité) et maîtrise (des flux, des processus, des comportements) ; les structures bi- voire tri-dimensionnelles, les entreprises en réseau, l’entreprise 2.0, sont autant de défis lancés pour les pratiques traditionnelles du contrôle et du management, encore très associées à l’entreprise hiérarchique et pyramidale ;
– Le tournant vers une économie des « services » ; y compris dans les secteurs industriels, la valeur ajoutée est de plus en plus créée dans l’innovation technologique ou dans les services apportés par et autour des biens manufacturés ; ces activités de service posent des questions de pilotage de la performance bien spécifiques ;
– La responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise est nécessaire, en partie pour prévenir les risques systémiques évoqués au-dessus ; le contrôle de gestion a un rôle majeur à jouer dans l’amélioration de la performance environnementale et sociétale, en apportant les outils de mesure qui permettront d’évaluer l’efficacité des plans d’action et la progression des entreprises en la matière.
Comment a évolué le métier de contrôleur de gestion ? Quel est son rôle dans l’organisation ?
Dans un tel contexte, le rôle et le métier du contrôleur de gestion se sont recentrés sur trois axes prioritaires, qui sont présentés en détail dans la partie 3 de l’ouvrage :
– le métier du contrôleur de gestion est de plus en plus un métier d’expertise, où il faut être crédible dans son rôle d’homme/femme du chiffre, en étant capable d’assurer :
1. la fiabilité des données dans un univers où, en dépit des systèmes intégrés de gestion, les chiffres contradictoires sont encore souvent la règle – tous n’ont pas les mêmes définitions, pas les mêmes agrégats, par exemple dans des situations de croissance externe avec intégration de sociétés jusque là indépendantes, des situations de dialogue économique avec les fournisseurs, des contextes d’organisations multi matricielles où les chiffres ne sont pas réconciliés, etc… ;
2. le choix des indicateurs les plus pertinents, en lien avec la stratégie et la veille concurrentielle ; le choix des indicateurs conditionne la vision que les dirigeants vont développer du business, de ses risques et opportunités ;
– c’est un métier où la pédagogie est le maître mot ; faire partager à tous le langage financier et économique dans l’entreprise, être le « maître » et l’enseignant des différents indicateurs financiers et de gestion (de la profitabilité à la rentabilité économique et la création de valeur en passant par la gestion du cash) ; cela suppose d’abord un rôle de « traducteur » auprès des opérationnels : il faut leur traduire, puis leur apprendre, la langue des financiers ;
– posséder une connaissance intime du business et des opérations, du métier dans lequel il/elle se trouve ; c’est ce rôle qui lui confère son titre de « Business Partner, », ou encore de « co-pilote ». Cela, loin de signifier une allégeance entière à l’opérationnel décideur, confère une crédibilité « locale » au contrôleur, et lui permet de poser les bonnes questions, d’interroger les pratiques et les décisions locales, dans un souci à la fois d’aide à l’amélioration de la gestion localement et de faire remonter une information pertinente à temps à la Direction générale sur les risques et opportunités dans le business.
Quels sont les profils et les qualités attendues du contrôleur de gestion ?
Ces évolutions et ce rôle pour le contrôleur de gestion impliquent des compétences bien précises attendues des contrôleurs de gestion :
– on l’aura compris, le contrôleur de gestion doit avoir des capacités analytiques et de synthèse, et des connaissances en comptabilité et finance d’entreprise, en systèmes d’information (y compris ERP) et gestion de projets, en langues (en particulier l’anglais qui est souvent le plus petit dénominateur linguistique commun de toutes les filiales) ;
– à ces compétences « techniques » s’ajoutent un certain nombre d’impératifs humains et comportementaux : il/elle doit aussi avoir un esprit ouvert, curieux, avec une bonne compréhension des enjeux stratégiques et opérationnels ; mais surtout, tout en acceptant de ne pas être le décideur, il/elle doit posséder des réelles qualités de communication, de pédagogie, de relationnel ; enfin, le contrôleur doit être irréprochable dans son intégrité, sa transparence et son éthique.
Bref, un vrai mouton à 5 pattes !
Est-ce que le contrôle de gestion est un passage obligé pour devenir directeur financier ?
Si on doit apporter une réponse synthétique, tous les contrôleurs de gestion ne deviennent pas directeurs financiers, mais peu deviennent directeurs financiers sans être passés antérieurement par une fonction de contrôleur de gestion dans leur parcours de carrière.
Tous les contrôleurs ne deviennent pas DAF ; certains d’ailleurs ne le souhaitent pas, préférant évoluer ensuite vers des postes plus opérationnels où ils auront l’opportunité de prendre des décisions après avoir accompagné et observé les décideurs ; de plus en plus de contrôleurs de gestion sont issus aussi de fonctions non comptables et financières, soit en provenance de la multiplicité des métiers du risque et du pilotage dans les entreprises actuelles (audit interne, direction des risques, contrôle interne), soit en provenance de secteurs plus opérationnels (supply chain, logistique, achats, DSI, etc…).
Dans ce dernier cas, le passage par le contrôle de gestion leur permet de mieux apprendre le langage économique et financier et de retourner ensuite dans les opérations en étant de meilleurs « vecteurs » de ces logiques, auxquelles leur passage en contrôle de gestion les aura sensibilisés.
La voie royale pour devenir directeur financier suppose en revanche une exposition à une diversité d’expériences : parmi celles-ci, le contrôle de gestion est majeure et très qualifiante.
Elle peut être complétée au choix par des fonctions plus exposées aux problématiques de financement et aux investisseurs (gestion du cash, trésorerie, relations investisseurs, etc…) ou des fonctions diversifiées du contrôle et de la gestion de risques (surtout dans certains secteurs, comme bancassurance, mais aussi des secteurs industriels comme l’énergie, la pharmacie, l’agro-alimentaire, etc…).
Auteurs de l’ouvrage : Hélène Löning, Véronique Malleret, Jérôme Méric, Yvon Pesqueux
Hélène Lôning est professeur à HEC au sein du département comptabilité-contrôle de gestion.
Véronique Malleret est professeur à HEC au sein du département comptabilité-contrôle de gestion.
Jérôme Méric est professeur à l’IAE de Poitiers en contrôle de gestion et gestion financière.
Yvon Pesqueux est professeur titulaire de la chaire Développement des systèmes d’organisation au CNAM.
Andreu Solé est professeur à HEC au sein du département comptabilité-contrôle de gestion
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