Les informaticiens dans la banque : mal aimés ?

En partenariat avec la Revue Banque

L’ascenseur social serait-il bloqué dans les directions informatiques des banques ? L’étude que vient de publier l’Observatoire des métiers SI de TNP pour le secteur financier montre qu’il existe un certain malaise au sein des équipes.

Les directions des systèmes d’information (DSI) des grandes banques sont souvent décrites, de par la spécificité de leurs activités, comme « un État dans l’État », et la gestion de leurs ressources humaines ne vient pas démentir cet a priori.

D’une part, les effectifs des DSI sont élevés : selon la FBF, les métiers de traitement de l’information, une catégorie qui regroupe principalement l’informatique, totalisent 27% des effectifs bancaires et ils ont représenté 23 % des recrutements en 2011 ; d’autre part, comme le souligne Thierry Cartalas, associé chez TNP Consultants, « les DSI, dans la plupart des établissements bancaires, autogèrent leurs ressources humaines ».

Principale raison de cet état de fait, les compétences techniques particulières des informaticiens : dans les profils recherchés, c’est principalement la maîtrise des technologies qui est demandée aux postulants (bases de données, progiciels, langages de développement, architecture de systèmes, réseaux, ou encore Web et cloud computing), plus que leur connaissance des métiers de la banque et de la finance.

Une gestion complexe de la pyramide des âges

Mais cette autonomie pourrait à terme se révéler une contrainte : « comme la gestion RH des DSI fonctionne en circuit fermé, elle connaît beaucoup de difficultés à proposer aux salariés une véritable évolution de carrière », explique Thierry Cartalas.

Confrontées, d’une part, à une gestion complexe de leur pyramide des âges et, d’autre part, comme les autres départements, à des impératifs de réduction des coûts, les DSI vont chercher depuis longtemps la nécessaire souplesse de fonctionnement à l’extérieur, en sous-traitant un certain nombre de profils, notamment, comme le montre l’étude de TNP, ceux liés à la gestion des infrastructures ou le support utilisateurs.

Restent alors en interne les profils métiers considérés comme stratégiques, à savoir le management de projet ou gestion du cycle de vie applicatif. Mais ces derniers collaborateurs sont souvent bloqués dans leur progression professionnelle par un management intermédiaire de la DSI qui évolue trop peu à l’intérieur de la banque, et finissent par rejoindre des SSII qui leur offrent des carrières plus rapides.
Outre la question des ressources humaines, cette situation conduit aussi à une perte de savoir-faire sur les nouvelles applications et de maîtrise des évolutions du système d’information.

Des connaissances métiers pointues

Pour Thierry Cartalas, « l’erreur est de valoriser surtout les compétences informatiques des salariés, et pas suffisamment les connaissances bancaires que ceux-ci acquièrent ».

Démonstration : un collaborateur chargé de concevoir la chaîne informatique des OST[1] devra comprendre parfaitement les différentes étapes du traitement, les nécessités commerciales liées à ces opérations complexes ou encore les contraintes réglementaires à respecter. Ces salariés accumulent ainsi des connaissances métiers pointues… au mieux sous-évaluées, souvent ignorées des DRH. Pire, en externalisant largement certains métiers comme les développements ou les tests (usines de développements, TMA, TRA), les banques « forment » indirectement des collaborateurs au plus grand profit des sociétés de prestations informatiques qui reprennent ces activités…

« La solution passe par un décloisonnement des DSI » propose Thierry Cartalas, « il faut que la gestion des ressources humaines informatiques soit animée conjointement avec la DRH du groupe » et que les informaticiens puissent évoluer dans les filières métiers. Cette prise de conscience se fait jour dans quelques groupes bancaires : ainsi, un grand établissement de la Place a pris le parti de cesser d’externaliser les profils de développeurs pour ses applications « cœur de métier », de mieux les rémunérer et de leur proposer également des évolutions vers les métiers de la banque : maîtrise d’ouvrage, organisation du réseau, gestion de back-office, gestion des risques, audit…

Revaloriser la filière informatique

Plus largement, c’est l’ensemble de la filière informatique qu’il faut revaloriser dans les banques françaises. « La crise est profonde au sein de ces métiers qui sont de plus en plus délaissés par les élèves des grandes écoles ou les formations supérieures » constate TnP.
Et l’exemple vient d’en haut : en France, combien de directeurs des systèmes d’information sont aujourd’hui membres des comités exécutifs au sein de leur établissement financier, alors même qu’à l’ère de la banque en ligne ou des paiements mobiles, l’informatique est devenue une source vitale pour la compétitivité et la maîtrise des coûts de fonctionnement ? Aux États-Unis, les présidents de State Street ou d’American Express ont en commun un passé d’informaticien…

(1)Opérations sur titres.

Thierry Cartalas

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