Le 18 et 19 décembre se tiendra le 3ième Job Market européen en finance et comptabilité à la Maison de la mutualité à Paris. Nous avons interviewé Elyès Jouini, Vice-président de l’université Paris Dauphine et directeur scientifique de l’Institut Europlace de Finance (EIF) qui organise le forum.
Est ce que vous pouvez nous rappeler les objectifs de ce forum ?
Le Job Market en finance et comptabilité a pour objectif de renforcer les contacts et les échanges, en France et en Europe, entre les jeunes chercheurs, les doctorants, les institutions académiques et les professionnels de la finance afin de faciliter les recrutements des enseignants et des cadres à très haut potentiel, de créer des ponts et de développer des projets scientifiques d’intérêt commun.
Le Job Market donnera notamment l’opportunité à de jeunes chercheurs et doctorants de rencontrer les recruteurs tant académiques que professionnels dans leur champ de compétence. Ils pourront en parallèle présenter leurs travaux, participer à des tables rondes et rencontrer leurs pairs et condisciples dans le cadre de la conférence annuelle de l’Association Française de Finance qui se tient même jour, même lieu et en partenariat avec le Job Market.
A qui s’adresse ce forum ? Uniquement aux jeunes chercheurs ?
Du côté de la demande (d’emploi), oui, le public visé est celui des doctorants et jeunes chercheurs. C’est la spécificité de ce job market qui en fait un événement totalement différent des habituels forums d’universités et d’écoles. Du côté de l’offre nous comptons sur la présence de banques, compagnies d’assurances, sociétés de gestion, pour qui la recherche et l’innovation, plus que jamais, sont des défis permanents. Nous comptons également sur la présence des plus grandes universités et business schools européennes qui, à l’instar de ce qui se fait aux Etats-Unis, ont besoin de tels lieux pour rencontrer les plus hauts potentiels à l’échelle européenne et recruter ainsi ceux qui participeront au renouvellement de leur corps professoral et de leur force de frappe en matière de recherche.
Quelles sont les nouveautés par rapport aux éditions précédentes ?
Le Job Market a évolué chaque année pour s’adapter toujours plus aux besoins du marché. De mars, il est passé à décembre pour se positionner juste avant le job market US qui se tient lui en janvier. Il s’est ensuite étendu à la comptabilité car les métiers de la finance et de la comptabilité sont fortement imbriqués et il n’existe pas, ailleurs dans le monde, d’événement comparable dans le domaine de la comptabilité. Cette année, c’est le rapprochement avec l’AFFI qui constitue l’événement marquant. Un seul événement mélangeant conférence du plus haut niveau et marché des chercheurs à haut potentiel.
Qu’est ce que les jeunes chercheurs en finance peuvent apporter aux institutions bancaires et financières ?
Je pense que les événements récents sont la marque d’un manque de formation par la recherche des acteurs de marché. La recherche apporte cette distance par rapport aux modèles, ce doute, cette capacité de questionnement que l’on ne trouve que rarement chez un bac+5 aussi brillant soit-il. Même s’ils maîtrisent tous les aspects techniques et notamment les redoutables méthodes numériques et quantitatives et que les banques se les arrachent, rares sont parmi eux ceux qui auront eu une formation approfondie à l’économie des marchés financiers qui permet d’acquérir par delà la technique, une compréhension en profondeur des rouages de l’économie financière. Ce que l’on peut, en revanche, attendre des chercheurs bien formés c’est d’être en mesure d’utiliser tous les outils mis à leur disposition par les mathématiques financières tout en laissant une place au doute, cette distance par rapport aux théories et aux modèles inhérentes à ceux qui ont été formés par la recherche.
Est ce que les recruteurs répondent présents dans le contexte que nous connaissons ?
La conjoncture est difficile et le marché des chercheurs est un tout petit marché. On peut recruter des dizaines d’ingénieurs et de titulaires de masters, on ne recrute les chercheurs qu’à l’unité. C’est probablement cette petite taille qui rend ce marché peu sensible aux à-coups. A ce jour, les grandes « maisons » habituées du job market ont répondu présent.
Quelle est la position de la recherche française en finance par rapport aux autres pays européens ?
La France est connue par sa recherche en finance mathématique avec, très probablement, la plus grande force de frappe en ce domaine. Le nombre de publications dans les meilleures revues internationales du domaine se compte en dizaines. La recherche en économie financière et en finance d’entreprise reste quant à elle insuffisamment développée. Il existe des équipes de très grande qualité mais en trop petit nombre. Le nombre d’articles publiés par des français dans les meilleures revues internationales du domaine continue à se compter sur les doigts d’une à deux mains et ces articles sont pour la plupart issus des trois ou quatre toujours mêmes institutions
Est-ce que la recherche en finance peut apporter des réponses aux turbulences que nous connaissons ?
Oui car ce que nous observons sur les marchés nous renvoie à la fois à des questions que les chercheurs ont souligné depuis longtemps: insuffisance des méthodes de mesure de risque, risques liés aux choix de modèles, problèmes d’incomplétude des marchés et couvertures imparfaites… mais pose également des questions nouvelles en termes d’anti-sélection, de théorie de l’agence, d’aléa moral… Quelle régulation ? La garantie les prêts inter-bancaires ne risque-t-elle pas de conduire à une concentration des prêts vers les banques les moins solvables ? Mesurer la valeur des actifs en fonction de leurs horizons de détention ne risque-t-il pas de conduire à de nouveaux biais comptables ? Voilà quelques questions à laquelle la recherche est en mesure d’apporter des éclairages uniques.
Pour plus d’informations : http://www.europlace-finance.com/jobmarket08/